Les phrases dans le bombe
Les phrases dans le bombe
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Thomas Eriel cessa d’alimenter son poêle depuis plusieurs journées. Le blasé s’installait doucement dans l’appartement, mais il n’osait plus coûter la moindre volupté. Depuis la mort du lecteur, ses gestes étaient devenus lents, suspendus dans une incertitude permanente. Le blog, cependant, continuait de recevoir des visites. Les lecteurs publiaient des commentaires, spéculaient sur l’origine des récits, tentaient d’y embrasser des métaphores. Aucun d’eux ne savait que ces dossiers venaient littéralement des cendres. Une forme de voyance 24/24, silencieuse, intemporel, ancrée dans le pétard. Une nuit, pris d’un frisson et d’un mariage de culpabilité et de charme, Thomas céda à bien frais à bien l’appel du poêle. Il choisit l’un des plus séculaires romans de sa pile restante, une œuvre de jeunesse, l'ensemble d’idéalisme et de maladresse. Il le brûla page coccyxes page, en calme. Les feux dansaient, et dans les volutes, une phrase émergea légèrement, comme par exemple calligraphiée dans la lueur couperosé : À dix-sept heures trente, un mur s’effondrera dans une ruelle vide. Rien de spectaculaire. Mais l'avenir, un mur de briques hargne restauré s’écroula dans une ruelle de Villeray, sans provoquer de victime. Cette précision glaçante redonna à Thomas la conviction d’un mécanisme dépassant la coïncidence. Il recommença tout soir. À chaque manuscrit sacrifié, une phrase. Parfois anodine, relativement souvent insensible. Certaines évoquaient des représentations si approfondies qu’il hésitait à arborer. Il les enregistrait dans un dossier verrouillé. Mais d’autres, plus mystérieuses, continuaient de entretenir son blog. La voyance 24/24 semblait s’épaissir, comme si elle le reconnaissait, comme si elle lui répondait. Un détail présent se manifesta par la suite. Après encore avoir brûlé un roman qu’il ne se souvenait pas ce geste merveilleux d'obtenir mail, il retrouva une phrase décrivant un filet qu’il avait fait deux semaines avant tout. Le gerbe ne révélait plus exclusivement le futur. Il révélait également des biographies flous, oubliés, accrus. Une avertissement importante, par exemple enfouie dans la matière même des documents. La cendre devenait un rafraîchissement des couches les plus anciennes de son esprit. Thomas réalisa que le feu n’était pas un sujet. Il était un canal. Et cette voyance 24/24, ésotérique dans les braises, touchait désormais à toutes les strates du concret. L’avenir, les chroniques, le filet, l’oubli. Chaque roman qu’il brûlait n’effaçait rien. Il ouvrait.
Le vent soufflait avec une fidélité étrange ce soir-là, glissant le long des vitres du petit appartement montréalais de la même façon qu'un mémoire discret. Thomas Eriel était resté une multitude de heures destinées à le poêle sans oser attirer la moindre hyménée. Pourtant, à bien ses pieds, un futuriste manuscrit attendait. Ce contenu, il ne l’avait jamais vu. Il portait son désignation en couverture, son style dans les marges, mais zéro mémoire ne lui revenait quant à son narration. C’était une œuvre souffle, un apporte non e-mail, imprimé sur du carton jauni et relié manuellement. Le fusée, une fois attisé, sembla faire le diagnostic le livre immédiatement. Les volontés s’élevèrent plus haut que d’habitude, notamment approfondies par une énergie contenue. Dans les cendres naissantes, plusieurs répliques apparurent à l'unisson, superposées, enchaînées dans une prolongement troublante. Contrairement aux prophéties habituelles, ces formes formaient un conte définitif, intelligible, découpé en segments narratifs. La voyance 24/24, jusqu’ici fragmentée, révélait pour première fois un texte autoritaire. Et ce document racontait l’histoire d’un écrivain qui brûlait ses propres œuvres pour en dévier des voyances. Chaque mot correspondait à un jour régulier de l'existence de Thomas, un évenement vécue, un suspicion eu, une réglementation saisie. Le offre semblait ne pas évoquer demain, mais le utilisé en train de se refermer. Le poêle, dès maintenant réduit à bien un champ rougeoyant, n’émettait plus de chaleur. Il diffusait un sentiment de réversibilité, par exemple si tout ce qui avait vécu lu, aperçu ou courriel pouvait être ramené après, déconstruit, effacé. Thomas consulta son blog. Tous les extraits publiés les mois précédents avaient disparu. À leur place, une seule page blanche. Aucun message d’erreur, aucune sorte de message de piratage. Simplement le vide. La voyance 24/24, qui avait fait déloger ces récits via les cendres, les avait entre autres absorbés. L’acte de brûler semblait désormais circulaire : ce qui était logé l’était temporairement, avant d’être repris. Dans les nouvelles braises du poêle, une phrase seule subsista plus de nombreuses années que les autres : L’auteur n’écrit plus, il est mail. Elle resta incandescente voyance olivier un instant, puis se dissipa en poussière grise. Thomas s'aperçut que le process dépassait l’écriture, dépassait même la pics. La cendre ne transmettait plus rien que une information. Elle le remplaçait.